Chapitre 2
Histoire et répartition

2.1. HISTOIRE
Les premiers à avoir mentionné l'existence de cet arbre remar-
quable au Maghreb sont les géographes et les savants arabes. En
effet, aux Xéme, XIème- et XIIème siècles, les usages du fruit de l'arganier
"ce petit gland de couleur jaune" été relatés respectivement
par Ali-Ibn-Rodhouan, El Beckri et El Idrissi. Au XIIIème siècle et
Plus précisément vers 1219, le célèbre médecin égyptien Ibn-Al-
Baytar, dans son ouvrage «Traité des Simples » traduit en français
par Leclec L., (1877-1883), Parle de l'arganier  et de décrit  comme
«un arbre de haute taille, épineux, donnant un fruit du volume
d'une amande et contenant un noyau que l'on recueille, que l'on
triture et dont on extrait l'huile pour l'employer dans les préparations alimentaires".
D'après Ibn-Al-Baytar, l'utilisation des noix d'argan telle
qu'elle a été décrite par Ali-Ibn-Rodhouan se résumecomme suit:
«Le fruits, a l' époque de leur maturité, sont donnés aux chèvres
et aux chameaux; ces animaux rendent les noyaux qui sont  ainsi
receuillis; on les  casse pour isoler l'amande dont l'huile est
comestible.

En 1515, Hassan Ben Mohamed Al Ouazzan (Jean-Léon

l' Africain), dans sa description de l'Afrique, a parlé de l'impor-
tance des forêts des Haha dont les arbres sont épineux et produi-
sent un fruit appelé argan «dont on fait une huile qui a très
mauvaise odeur et dont on se sert cependant pour l'alimentation et
pour l'éclairage».
L'arganier fut baptisé au XVIIIe siècle et plus précisément dès
1737 par Linné. Cet auteur donne, à partir d'échantillons dessé-
chés et sans fleurs, la description spécifique de l'espèce dans son
Hortus cliffortianus, sous le nom de Sideroxylon spinosum L. Plus
tard, les caractères morphologiques de l'espèce ont été précisés et
détaillés par un certain nombre d'auteurs dont Host (1781),
Schousboe (1801), Correa De Serra (1806), De Candolle (1844),
le Vicomte de Noe (1853) et Engler (1897).
Au XXe siècle, les citations et notes sur l'arganier se sont multi-
pliées. En 1906, Gentil parle de l'arbre du Souss et donne déjà
certaines indications écologiques sur l'espèce. Il précise égale-
ment que, dans la région d'Essaouira et dans la vallée de l'Asif-
N-Aït-Moussa, la répartition de l'arganier est liée aux conditions
hygrométriques et thermiques du littoral atlantique. Par la suite,
Perrot (1907), Brives (1909, 1910, 1912) et Boudy (1914) ont
traité la question de l'arganier, confirmant ainsi les connaissances
et les observations faites sur l'espèce.
En 1924, Emberger définit la distribution géographique de l'ar-
ganier. Pour la première fois, cette espèce lui a été signalée dans la
région de Rommani et plus précisément dans le bassin supérieur
d'Oued Grou. La même année, les travaux de Braun-Blanquet et
Maire sur la végétation et la flore marocaine définissent et indivi-
dualisent un secteur biogéographique à arganier.
En 1925, Emberger définit les limites naturelles climatiques de
l'arganier à la suite de la découverte d'un autre îlot sur le versant
nord du massif montagneux des Béni Snassen, non loin d'Oujda.
Cette donnée nouvelle a permis à Emberger de préciser non seule-
ment l'aire de distribution géographique de l'arganier, dont l'opti-
mum écologique est indissociable du Souss et de la région d'Es-
saouira, mais aussi l'aire d'extension ancienne de l'espèce.
L'arganier, endémique du Maroc, est le représentant le plus
septentrional des Sapotacées, famille essentiellement tropicale.
Comme l'avait signalé Emberger (1938), cette essence occupait au
Maroc durant le Tertiaire et le Quaternaire une aire plus vaste
qu'elle ne l'est actuellement. D'ailleurs, les îlots qui se maintien-
nent encore à Oued Grou (région de Rabat) et au Béni Snassen
(région d'Oujda-Berkane) confirment ce qui vient d'être avancé.
Les glaciations quaternaires de l'Europe qui se sont traduites en
Afrique du Nord par des précipitations élevées et des conditions
froides seraient à l'origine du refoulement de l'arganier vers le
sud-ouest. Il est maintenant de plus en plus admis que l'arganier
aurait pu occuper également tout le Haouz de Marrakech ainsi que
le Tadia et ce jusqu'à une période relativement récente.
En 1939, le même auteur publie l'ouvrage «Aperçu général sur
la végétation du Maroc» qui reste jusqu'à nos jours, une référence
botanique et écologique synthétique d'un grand intérêt pour le
Maroc septentrional. Dans cet ouvrage, l'auteur établit une
première typologie des forêts à arganier (arganeraie littorale, arga-
neraie de l'intérieur). Il a mis en évidence certaines caractéristi-
ques floristico-écologiques, climatiques et les rapports qu'il
présente avec les autres essences forestières (thuya, genévrier
rouge, chêne vert, gommier...).
Des travaux récents (Biondi, 1981) ont permis la découverte en
Sardaigne d'un bois fossile datant du Tertiaire ayant conduit à la
description du genre Arganioxylon, dont les affinités avec l'arga-
nier sont importantes. Cette donnée révèle sur le plan historique
que les Sapotacées auraient occupé des surfaces très étendues
pendant le Tertiaire et que leur disparition et régression, comme
c'est le cas pour l'arganier, seraient liées aux bouleversements
climatiques du Quaternaire cités antérieurement.
Plus récemment, les travaux d'Achhal et al. (1981) et de
Barbero et al. (1981, 1982) sur les groupements forestiers et
préforestiers du Maroc, ont abouti à la définition d'un certain
nombre d'unités phytosociologiques dont celles où l'arganier joue
un rôle de tout premier ordre.
Par ailleurs, les recherches de Peltier (1982, 1983, 1984 et 1986)
ont permis de définir différentes communautés végétales et asso-
ciations à arganier pour le bassin versant du Souss.

Extrait  de : Larganier Une espèce fruitière- forestière à usages multiples
Cet ouvrage a pu voir le jour suite à la visite de Monsieur Guy Lutgen, Ministre de 1 En-
vironnement, des Ressources naturelles et de l'Agriculture pour la Région wallonne au
Maroc en mars 1996. Le Ministre Lutgen était accompagné de Son Altesse Royale le
Prince Laurent de Belgique.
La publication a été réalisée grâce au concours de Monsieur William Ancien, Ministre de
la Recherche du Développement technologique, des Sports et des Relations internationa-
les pour la Région wallonne et à la précieuse collaboration de Madame Anne Patemostre
de la Division des Relations internationales du Ministère de la Région wallonne.
Coordination : Mohammed Benzyane, Marie-Anne et Philippe Blerot, Astrid Revelart.
Dr. 0. M'HIRIT Professeur de sylviculture. Directeur du Développement
M BENZYANE Ingénieur d'Etat Principal, Chef de service des Aménagements
SM. EL YOUSFI Ingénieur d'Etat Principal, Chef de Service semences et
Dr. F. BENCHEKROUN Professeur d'Economie Forestière, Institut Agronomique et
Forestier, Ministère des Eaux et Forêts.
des Forêts et des Parcours, Ministère des Eaux et Forêts.


© Pierre Mardaga, éditeur





Hayen 11 - B-4140 Sprimont, Belgique

D. 1998-0024-21

I.S.B.N. 2-87009-684-4

Moteur solaire TYPE III: Développement durable: l'arganier

 

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